Après une semaine à crapahuter sur les sentiers d’Ushuaïa, on se sent prêtes à traverser la frontière entre l’Argentine et le Chili pour rejoindre Puerto Natales, ville la plus proche du parc Torres del Paine, paradis des randonneurs et véritable bijou naturel. Cet endroit est l’un des plus prisés de Patagonie pour son célèbre trek de cinq jours, baptisé « trek W », dont les nuits en campement sont réservées six mois à l’avance pour des tarifs parfois exorbitants. Les photos des Torres, trois tours (quatre en réalité) d’environ deux kilomètres de haut s’élevant au-dessus d’un magnifique lac d'altitude inondent les réseaux sociaux de voyageurs. N’ayant pas réservé de nuits en camping, on se décide tout de même à louer tente, matelas et sacs de couchage pour tenter l’aventure sur 4 jours et 3 nuits en adaptant le circuit pour profiter surtout de deux parties : les Torres et le glacier Grey. Le premier jour nous offre un défi physique important, avec 25 kilomètres au compteur et un dénivelé de 1200 D+ / 1200 D-. La vallée est magnifique. Une partie du chemin est perché à flanc de montagne. Un mur noir immense se dresse à notre droite avant qu’on entame une dernière montée raide de 2,8 kilomètres (ils avaient dit 1 kilomètre…) dans un gigantesque pierrer. Après un effort intense, concentrées sur nos appuis, on finit par voir apparaître les imposantes tours de granit gris, majestueuses, au-dessus d’un lac bleu clair. Les Torres del Paine sont dégagées. Un merveilleux cadeau quand on sait que certains randonneurs ne les discernent qu’au milieu d’un épais brouillard, avant de devoir redescendre, bredouilles.

Après une nuit pas du tout reposante dans notre campement au "camping Central" du parc en raison de matelas de piètre qualité, on se console en admirant le lever du soleil sur les tours. Pendant trois minutes, elles changent de couleur et semblent comme entrer en fusion, rougies par l’arrivée du soleil avant de reprendre leur manteau gris. On replie notre bivouac, on monte dans une navette, puis un catamaran, pour rejoindre le côté ouest du parc et commencer une marche de 15 kilomètres jusqu’au glacier Grey, juste après avoir monté notre tente dans un nouveau camping baptisé « Paine Grande ». Nos yeux découvrent une nouvelle vallée. Elle est différente, mais tout aussi magnifique, entre lacs et montagnes, avec en ligne de mire l'étonnant glacier Grey. Toujours pas une goutte de pluie en vue.

Le dernier jour de trek nous permet de réaliser une boucle, enfin ! En Patagonie, beaucoup de chemins se font en aller-retour, ce qui n’est pas des plus amusants. On progresse cette fois-ci au milieu d’un paysage hors du commun, entre des arbres sans branche et sans feuille, totalement blancs. L’impression est étrange, comme une sorte de chaos particulièrement photogénique. On découvre au détour d’un panneau d’informations que ce paysage est le résultat d’un incendie, survenu entre décembre 2011 et mars 2012. Un randonneur négligent aurait mis le feu à son papier toilette, embrasant ainsi une grande partie de la forêt. Depuis, il est strictement interdit de faire du feu dans le parc, de camper en dehors des zones prévues à cet effet et même de fumer une cigarette, sous peine d’expulsion. Devant nous se dressent les Cuernos del Paine, trois sommets moins connus que leurs voisines, mais tout aussi impressionnants. Ils sont reconnaissables à leurs couleurs, gris foncé à la base et au sommet, et gris clair au centre. Chaque fois qu’on ralentit et qu’on lève la tête, on a comme une sorte d’étonnement face à tant de beauté. On est même parfois l'impression que ces visions sont irréelles.

Le 4ᵉ jour sonne la fin de notre périple dans ce parc. Le vent se lève fort juste après nous avoir laissé rangé notre tente sans encombre. Des rafales à 100 km/h se pointent, nous faisant vaciller à chaque pas ou presque. Des sentiers sont fermés pour garantir la sécurité des visiteurs·es, et notamment celui que nous voulions emprunter jusqu'à une cascade. Cela nous rappelle qu'ici plus qu'ailleurs, la nature est reine. Mais aussi la chance que nous avons eue de pouvoir déambuler au cœur de l’éblouissant parc Torres Del Paine pendant trois jours… sans un brin de vent.