Après une semaine passée à El Chaltén, capitale argentine du trekking située au cœur de la Patagonie, nous montons sans entrain dans un bus direction San Carlos De Bariloche. Le voyage doit durer 24 heures (en réalité 26h…) et nous permettre de faire un bon de 1500 km. Nous sommes désormais habituées aux grandes distances à parcourir et prenons notre ennui en patience tout en contemplant les paysages, installées sur nos sièges inclinables à 150 degrés. Seule la nature et une pampa sèche aux nuances marron, parsemée de touffes d’herbes jaunies au soleil, nous entourent. Des guanacos, espèce de lama locale, se promènent ici et là, parfois très près de la route. On constate avec tristesse qu’ils sont beaucoup à succomber à leurs blessures après une lente agonie, pris au piège des clôtures délimitant les immenses parcelles des propriétaires agricoles. On s’émerveille d’un sublime coucher de soleil pluvieux sur les prairies. Elles se parent d’une couleur or pendant qu’un arc-en-ciel jailli à côté de nous.

La nuit est longue. On dort peu, ballotées de droite à gauche et d’avant en arrière au rythme des virages et des coups de freins du chauffeur. Dans l’obscurité de la pampa, seule la lune nous accompagne à travers une route sinueuse et déserte, percée par le faisceau lumineux des phares de notre bus. Tout est noir autour. Il n’y a pas âme qui vive ici. Le lever du soleil est tout aussi spectaculaire que sa mise au lit. L’horizon devient incandescente pendant quelques minutes. Plus on approche de Bariloche, plus le paysage est vallonné et même montagneux par endroit. Le ciel bleu et le soleil, que nous n’avons pas vu aussi éclatants depuis plusieurs semaines, nous font oublier la fatigue du voyage et d’une semaine sportive à El Chaltén.

En effet, nous n’avons pas levé le pied sur les randonnées, prises par une envie irrépressible de ne rien louper. Après un mois en Patagonie, on ne compte plus les panoramas dingues que notre rétine a imprimés. On passe une bonne partie de nos marches à répéter la même chose : « que c’est beau ! ». El Chaltén, petit village situé au pied du célèbre Fitz Roy, nous a offert beaucoup de merveilles à contempler. Il nous a aussi permis de toucher du bout du doigt nos limites physiques, lors d’une ascension dangereuse jusqu'à la laguna de los Tres, située au pied de la montagne Fitz Roy, celle que tout le monde veut voir, coûte que coûte. Nous avons choisi de rebrousser chemin à 500 mètres de l’arrivée, en raison d’un vent violent et d’une tempête de neige qui s’abattait sur nous et sur les centaines de marcheurs•euses présents dans la même galère, en fil indienne. On apprendra qu’un randonneur a failli y passer, en hypothermie suite à une entorse, après avoir essayé d’accéder à cette même lagune malgré des conditions extrêmement défavorables trois jours plus tard. Il a attendu 7 heures les secours.

La neige a été notre invitée tout au long du séjour. Il a fallu composer avec elle sur les sentiers. Ce cadeau du ciel a maquillé les paysages d’un blanc fascinant. L’automne est finalement arrivé bien vite sur la Patagonie, nous poussant vers des destinations moins froides… plus au nord. Bariloche est notre dernière étape côté Patagonie Argentine avant de rejoindre le Chili et de se rapprocher de l’océan pacifique.